Une bretonne parle aux Breton(nes) Un Bretonne parle aux francais(es)

Publié le par Colette Trublet

Lettre ouverte

Une Bretonne parle aux Bretons

Une Bretonne parle aux Français

Pour leur parler d’Héritage, De son Appartenance en Héritage, tranquillement.

Pourquoi sommes nous majoritairement décidés à réunifier la Bretagne ? Pourquoi sommes-nous si attachés à notre Pays, à notre culture à nos langues ? Pourquoi sommes-nous Bretons ?

Pourquoi, à l’âge de la mondialisation, au moment où les chercheurs découvrent que nous sommes tous des descendants de l’homo Sapiens né dans les profondeurs de l’Afrique, éprouvons nous le besoin de revendiquer nos frontières nos langues notre culture ? Pourquoi la Bretagne est-elle pour nous un pays, et non pas une région ?

Et pourquoi cette détermination nous semble-t-elle énigmatique, politiquement suspectée de bêtise, et très difficile à faire valoir à égalité de savante argumentation en France, en France jacobine plus exactement ?

Et pourquoi, enfin, sommes-nous plus que les Français, favorables à l’Europe, sinon parce que nous sommes les plus conscients d’être les héritiers des Celtes qui l’ont peuplée de l’Oural à l’Atlantique ? (Et même jusqu’en Asie mineure, leur en reste-t-il quelque chose ?)

J’ai voulu aller y voir de plus près, sans perdre de vue la fraternité puissante, agissant à bas bruit, partout sur la terre. En prélude à une étude plus complète, je me permets ces quelques réflexions :

- L’héritage est transmis par les mots, par la langue, par la parole.

- L’héritage fait partie d’un pays, transmis par des parents de souche ou d’adoption

- L’héritage est constitutif de la condition humaine

L’héritage est la marque indélébile de l’appartenance. Il existe avant la naissance de chaque individu. C’est sur ce socle que la vie se nourrit et se construit. L’héritage d’une langue s’imprime profondément dans l’intelligence du tout nouveau-né puisqu’il est porteur du patrimoine génétique de la condition humaine, ce qui le prédispose au pouvoir de parler quelque soit le lieu de sa naissance.

Nous, les Bretons, de souche, et d’adoption, nous héritons d’une familiarité avec la mort transmise à partir d’un récit remarquable qui nous suit depuis la nuit des temps, je cite : « Pas de série pour le nombre UN, Le Trépas, la Nécessité UNIQUE, Père de la douleur, rien de plus, rien d’autre ». (Le Barzaz Breizh de Théodore de la Villemarqué, l’a extirpé de notre héritage oral).

Et ce n’est pas du folklore. La langue bretonne qui nous est transmise par héritage nous fait dire, au sujet de la mort, trois mots qui y sont enracinés: ANK qui donne ANKou, ANKen, ANKounac’h, mort angoisse, oubli. Comparons avec la langue française qui diversifie les mêmes significations sur d’autres mots chargés de les exprimer et nous saurons que notre héritage n’est pas le même.

Et ce n’est pas tout : La syntaxe en langue bretonne nous laisse libre de choisir le mot par lequel nous voulons attirer l’attention de notre interlocuteur, ce qui nous permet de tenir compte à la fois de ce que nous voulons lui transmettre et de ce que nous pensons qu’il accepte d’entendre. C’est très bénéfique pour la convivialité, pour la démocratie de proximité … mais c’est peut-être un peu périlleux du côté de l’imaginaire. Le français fait le choix du sujet d’abord, en tête de phrase, avec un ordre rarement bouleversé entre les verbes et les compléments, c’est très impersonnel très rationnel mais peut-être un peu arrogant, ce que le jacobinisme exprime et impose… Les Allemands renvoie le verbe en toute fin de phrase, ce qui fait patienter l’interlocuteur sur le sens de ce qui est exprimé, et c’est ce qui correspond bien à la lourdeur qu’on croit déceler chez eux quand on fait du mauvais esprit, d’autre peuvent y voir de la ténacité et de la détermination. … Quand aux Anglais, ils nous baladent avec des « post positions » ce qui change le sens des mots suivant leur place en agrémentant le tout d’un accent à désespérer de pouvoir se l’approprier. On peut y déceler des marques de fantaisie bien séduisantes, autant que périlleuses s’il s’agit d’un plaisir féroce à provoquer des égarements ... Chacun, au bout du compte, personnalise ainsi son héritage et arrive à le magnifier côté poésie, musique, richesse langagière, sciences et techniques.

La créativité de tout un chacun y puise ses sources spécifiques. Interrompre le processus politiquement et par fait de guerre mutile douloureusement plusieurs générations successives et l’abêtissement qui s’ensuit produit une colère permanente très invalidante.

L’héritage est donc transmis par l’appartenance à une famille inscrite dans un environnement langagier précis et, forcément, installée dans un pays que l’histoire a façonné au cours des nombreuses générations qui s’y sont succédées, le nomadisme s’étant achevé pour les Celtes sur les terres d’Armorique. C’est ce qui forge un caractère dans son héritage particulier.

Nous voilà donc lancés dans le monde à partir d’un pays, la Bretagne, qui nous sert de tremplin avec, en héritage un état d’esprit hérité de nos très lointains ancêtres les Celtes. Ils n’ont jamais voulu faire empire. Ils bagarraient, férocement nous dit-on, dans un mouvement pour s’installer sur des terres sans doute encore disponibles mais qu’il fallait défendre pour y sécuriser leurs implantations, en reconnaissant à d’autres, des égaux en humanité, le droit d’en faire autant, fraternellement.

La Bretagne est donc un pays à transmettre en héritage à des descendants, libres comme tous les héritiers de s’en aller ailleurs, et les Bretons ne s’en sont jamais privé ; à condition toutefois de maintenir ce pays à disposition des héritiers à venir - de souche ou d’adoption - qui s’en feront une richesse et un tremplin pour participer à la vie du monde ; nous ne pouvons chacun que naître et n’être que dans un lieu à la fois et nous devons à l’honnêteté de dire : qui est qui et où.

Les Celtes sont un peuple de l’oralité ; ils édifient le respect de la Parole. Nommer la Nécessité Unique : Le Trépas pour y adosser le triomphe de la vie les soumet fraternellement à la destinée de la condition humaine. Nous mourrons tous, et redeviendrons des « poussières d’étoiles » comme dit Hubert Reeves, inutile d’en précipiter les échéances et le malheur. Et c’est sagesse que de s’y maintenir.

La Parole, celle, puissante, qui émerge du bruit des mots, celle qui se retrouve traduisible à l’universel, elle et elle seule, est parfum et promesse d’immortalité, ce qui n’est pas scientifiquement insensé : Nos savants actuels viennent de découvrir l’existence dans le champ de « Higgs » de la particule immortelle, le boson, qui constitue tout ce qui existe dans l’univers, nous y compris. Les Celtes en avait eu l’intuition et ils disaient « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ». Reste à faire le lien entre la parole et le boson, qui ne peuvent être indisponibles l’un à l’autre.

Il y a urgence à laisser libre cours à la créativité, recherches, sciences, arts et techniques dans chaque pays dans le respect de ce qu’il produira - tous pour un, un pour tous - fraternellement.

La Réunification de la Bretagne réparera les blessures que l’histoire nous a infligées ; elle facilitera notre passage d’une humiliante soumission à l’adhésion consentie à un projet politique fédérateur avec nos plus proches voisins, souvent devenus des amis, et plus lointainement avec les pays d’Europe puis du Monde. Tous les frères ennemis qui peuplent l’Europe, et les conflits entre les pays de l’ancienne Yougoslavie pourraient en bénéficier, appellent à une reconnaissance de chacun son propre périmètre pour favoriser son adhésion à un mouvement d’ensemble plus fraternel. Qu’attendons-nous de nous-mêmes pour nous emparer d’un projet politique à hauteur de notre créativité ?

Pour me résumer rapidement et provisoirement, je dis que je suis Bretonne, héritière d’un souci de fraternité né de l’échéance ultime, la mort, qui ne distingue ni n’épargne personne ; et puisque je suis bretonne je sais que seule la Parole nous survivra. Et je crois plus à la puissance de la Parole qui surnage au dessus des cycles vie-mort-vie qu’à la force destructrice des armées meurtrières bourrées de testostérone. Je crois aussi mon héritage indispensable à la marche des siècles et du monde, à égalité avec tous les autres, pour ce qu’il est à la fois particulier et en tension créative des conquêtes humaines. Et le ciel est ouvert, désormais.

Quelques sources :

- Le « Barzaz Breizh » Théodore de Lavillemarqué – PUR -

- Les mabbinogions : contes initiatiques gallois - Coop Breizh -

- Femmes qui courent avec les loups : Clarissa Pinkola Estès – Grasset -

- Comprendre le conflit Yougoslave Boris-Alexandre Spasov – Terra Arcalis –

- La Nuit Celtique : Michel Treguer et Donatien Laurent – Terre de brume -

- La Machine France : Jean Ollivro – éditions du temps -

Publié dans politique

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T
Merci pour votre accueil je me sentais écri-vaine et un peu seulette
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E
le toc toc à la porte de la communauté " j'écris, tu écris...ne peux donner qu'envie d'en lire un peu plus :-) soyez la bienvenue parmi nous...
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B
on ne se dit pas breton on l'affirme, voici un texte très intéressant pour le non-breton que je suis. Je vous accueille avec plaisir dans ma communauté Livres Ô blogs.
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T
Merci pour votre accueil. La fraternité dépasse les frontières. <br /> Je suis débutante et malhabiles sur le blog. Je nage dans les items un peu au hasard donc ne m'en veuillez pas si je ne fais pas ce qu'il faut ... Colette Trublet